[Ionescu] Taxi Driver

Introduction

Je marchais tranquillement dans Gurgy. Un grand sourire sur les lèvres. Je venais d'accepter le contrat de l'INF, tout était réglé. Je pouvais maintenant réaliser mon rêve : être enfin capable d'être utile pour ma famille. J'étais impatient, je voulais commencer dès maintenant. Je voulais partir dans l'instant à Clairefontaine, faire mes preuves ce soir, et gagner la Coupe d'Europe la semaine prochaine. Je voulais jouer avec mon personnage sur FIFA et faire la couverture de France Football. Je voulais remporter la Coupe du Monde et devenir un exemple pour la jeunesse. Je voulais tellement de choses, qui me paraissaient encore impossibles il y a quelques jours, et qui semblaient maintenant à portée de main. Pour certains, j'étais peut-être encore loin de tout cela. Mais, au fond de moi, je savais que je pouvais le faire. Et c'était le principal. Comme l'a dit un grand homme, "la seule force plus puissante que l'électricité et l'énergie atomique, est la volonté humaine". C'était ma principale qualité, je pense. Mais la volonté peut vite laisser place au désespoir.


Chapitre 1 : No More Dreams. Reality.

C'était le soir. J'étais devant la caravane. Mon père discutait avec Mira, l'une de ses autres femmes, un peu plus loin. C'était un grand homme aux cheveux bruns. L'âge marquait son visage, mais sous ses rides se dessinait encore les traits d'un homme charmant. Son regard sévère, sa barbe de trois jours, et ses cheveux négligés renforçaient l'aspect bad boy/beau gosse. Quand à Mira, elle était encore jeune, un peu moins de 30 ans. Elle avait la peau très légèrement mate (ce qui lui valait des remarques acerbes de mon père assez régulièrement), et des cheveux longs frisés, très noirs. Elle semblait minuscule à côté de mon père. Celui-ci tourna la tête, et je le vis, souriant, qui me regardait.

- Alors André, prêt pour le grand bain ? dit-il en riant.
- Oui, Papa. Je suis prêt à tout maintenant. Grâce à toi, répondis-je tout à fait sérieusement.
- T'as intérêt, dit-il en effaçant le sourire de son visage. On compte sur toi ici, tu sais. On a confiance en toi.
- Merci. Je ferais tout pour ne pas vous décevoir.

Ma mère sortit de la caravane, l'air furieux.

- Bon, commença-t-elle en criant, André, Mira, le repas est prêt ! Dépêchez-vous !

Puis, elle s'aperçu de la présence de son mari.

- Oh, Eugen ... se reprit-elle en balbutiant. Désolé. Ce serait dommage que vous mangiez froid, c'est pour ça. Désolé de m'être emportée. Je pourrais vous faire réchauffer la viande si vous voulez continuer à discuter.
- C'est bon, on arrive, dit-il en lui lançant un regard lourd.

Nous entrèrent dans la caravane, tandis que ma mère continuait de murmurer "désolé, désolé ...". Nous prirent place à table, où Mark, mon frère, et Zvetlana, la 3e femme de mon père étaient déjà. Mark faisait plus ou moins la même taille que moi, mais il était beaucoup plus costaud, du haut de ses 26 ans. On ne se ressemblait pas beaucoup : lui était châtain clair, avec des yeux verts et un collier de barbe. Je tenais vraiment beaucoup à lui, même si je ne lui disais pas souvent. Zvetlana, elle, était très grande. Mesurant plus de 1m95, elle était presque aussi grande que mon père, et largement plus que ma mère et que Mira. Sa longue chevelure blonde et sa peau très blanche plaisait beaucoup à mon père, qui passait beaucoup plus de temps avec elle qu'avec ses deux autres femmes.
Elle me sourit, et me demanda :

- Alors, ce départ pour ton club de foot, c'est pour quand ? demanda-t-elle poliment.
- C'est pas un club de foot. C'est un centre de formation. Et c'est dans 3 semaines, répondis-je un peu sèchement.

Il faut dire que je ne l'aimais pas beaucoup. Pour moi, elle avait remplacé ma mère aux yeux de mon père, et ça ne me plaisait pas du tout. Celui ci me fixa avec un regard qui en disait long.
Ma mère amena le poulet, et prit part à la conversation.

- Dans 3 semaines ? dit-elle. Tu as un peu de temps devant toi avant de partir. Et on a reçu tout à l'heure la prime qu'ils t'ont donnés, 500€. Tu veux en faire quoi ?
- Euhh ... j'hésitais, étonné. J'ai dis que j'allais là-haut pour vous, donc la prime est pour vous aussi. Vous en avez besoin.
- Non, non, non, dit mon père, à ma plus grande surprise. Tu auras tout le temps de nous aider plus tard, avec ton salaire. Cette prime, elle est pour toi, pour te remercier en avance.
- Ok ok ... et bien, je sais pas. Je pourrais m’acheter un iPod ou un ordinateur j'imagine.

Ma mère me regarda comme si j'avais dis une bêtise, et mon père me lança encore un regard sévère.

- Pour quoi faire ? dit-il finalement. Jouer à des jeux, écouter de la musique, c'est bien beau tout ça, mais ça ne te servira à rien dans la vie.
- Mais .. vous m'avez demandé ce que je voulais en faire, répondis-je.
- Et bien, pense à quelque chose de mieux, répliqua-t-il en élevant la voix.
- Ok ok ... J'hésitais, je ne voulais pas dire une autre stupidité.
- Pourquoi pas un voyage ? proposa Mira.

J'en avais pas vraiment envie, mais je ne voulais plus contredire personne.

- Ouais, bien sur ! dis-je en tentant de m'enthousiasmer.
- Où ça ? me demanda mon père.

Il semblait apprécier l'idée, ce qui me poussait à accepter. Je ne voulais pas le décevoir encore une fois. Je m'empressai donc de répondre, en citant le premier pays qui me passa par la tête.

- Japon !

Chapitre 2 : Sakura

Quelques semaines plus tard, nous débarquions à l'aéroport international de Tokyo. Il faisait beau, et un grand ciel bleu accueillait les voyageurs. Le vol avait eu du retard, et nous étions déjà en fin d'après-midi. Nous avions jusqu'à 20h pour aller chercher la clé de la chambre d'hôtel, nous n'étions pas pressé. Les quelques jours entre la décision de mon départ et le vol vers le Japon m'avaient calmé. J'étais pressé d'être à Clairefontaine, mais je voulais aussi profiter du maximum de ce voyage. C'était la première fois que je quittais la France, et aussi probablement la dernière avant un certain temps. Mon grand frère, Mark, était venu avec moi.

- On a du temps avant d'aller à l'hôtel. On fait quoi ? me demanda-t-il.
- Je sais pas. Tu veux faire quoi toi ? répondis-je.
- C'est ton voyage, tu l'as gagné. Je suis là pour t'accompagner, mais tu fais ce que tu veux, je te suivrais.

Il me regardait en souriant. Je savais qu'il était heureux que je le choisisse pour venir, que ça signifiait beaucoup pour lui. Et pour moi aussi. C'était en quelque sorte un moyen de lui prouver qu'il était important pour moi, même si je ne lui montrait pas souvent.

- On va faire un tour dans Tokyo ? proposais-je.
- Ok, allons-y, me répondit-il, enthousiasmé.

Nous quittâmes l'aéroport, avec nos valises à roulettes, et commencèrent à nous balader dans la ville. Je sortais peu de Gurgy d'ordinaire, et la plus grande ville que j'avais jamais vu était Auxerre. La grandeur de Tokyo m'effraya dans un premier temps. Je me demandais comment nous allions faire pour ne pas nous perdre dans ce labyrinthe.
Après presque 1h de marche, nous décidâmes d'aller à l'hôtel. Mark arrêta un taxi. Le chauffeur était un vieux japonais, et nous n'arrivions pas à lui parler.

- Sakura Hotel, please ! insistait mon frère.

Il sembla finalement comprendre le nom de l'hôtel, "Sakura" et démarra. Il conduisit pendant de longues minutes, et sembla quitter la ville. Nous ne savions pas quoi faire. Le taxi sortit de Tokyo, et la largeur des routes diminua petit à petit. Nous nous retrouvâmes dans ce qui pourrait être apparenté à la campagne. Mais ça ne l'était pas vraiment. A côté des cerisiers japonais en fleurs se trouvait encore des autoroutes et des immeubles. Au fond, on pouvoir apercevoir le fameux Mont Fuji.

- Hotel please ! dit mon frère en commençant à s'énerver.

Le chauffeur sortit du taxi, et vint nous ouvrir la porte, à l'arrière.

- Sakura ! Sakura ! balbutia-t-il.

Nous sortîmes. Un grand cerisier en fleur se tenait devant nous. D'habitude, je n'étais pas sensible à ce genre de choses, mais je dois dire que le paysage était magnifique. Les cerisiers envahissaient la vue. A droite se trouvait un temple. Au fond, en regardant bien, nous pouvions voir le Mont Fuji, avec son sommet enneigé, qui rejetait de la fumée. Cela ne semblait pas émerveiller Mark qui commençait à s'énerver contre le chauffeur de taxi, ce qui attirait l'attention des badauds. Il s'énerva, et lança en criant :

- Il nous a emmené où ce con là !

Un homme s'approcha en riant.

- Vous êtes français ? nous demanda-t-il.
- Oui, répondis-je.
- Où vouliez vous aller ?
- A notre hôtel ! dit mon frère.
- Et il vous a amené là ? Étrange, dit l'homme, interloqué.
- Ce vieux schnock a perdu la boule, dit Mark, énervé.
- C'est quoi le nom de votre hôtel ? demanda l'homme.
- Le Sakura, répondis-je.

L'homme ria.

- Je comprend. Dans la culture japonaise, les cerisiers japonais sont appelés Sakura, dit-il en riant.
- Et donc il nous a sortit de la ville pour nous montrer un arbre ? demanda mon frère, toujours énervé.
- C'est plus qu'un arbre pour lui. Ici, ils sont sacrés. Ils représentent la beauté éphémère de la vie. Je peux vous amener à votre hôtel si vous voulez, nous proposa-t-il.
- Avec plaisir, lui répondis-je.

L'homme échangea quelques mots en japonais avec le chauffeur, et celui-ci remonta dans son taxi avant de partir. Puis il nous invita à monter dans sa voiture. Mark, toujours passablement énervé, mis un coup de pied dans le cerisier avant de monter.

Chapitre 3 : Am I weird ?

Nous étions en route vers Tokyo. L'homme engagea la conversation.

- Je m'appelle Leo, au fait, dit-il.
- Enchanté, lui répondis-je. Moi c'est André, et lui c'est Mark.
- Qu'est qui vous amène au Japon ? demanda-t-il.
- Longue histoire, soupirais-je.
- Racontez, on a le temps, avec les bouchons, dit-il.
- Je joue au football, et j'ai été pris dans un centre de formation, dis-je, en France.
- A l'INF ? lança-t-il.
- Euh ... oui, dis-je en hésitant. Vous connaissez ?
- Bien sur, répondit-il. Je suis fan de foot, et je viens de France, donc je connais l'INF.
- J'ai reçu une prime pour ma signature, et me voilà dans un vol pour le Japon ... continuais-je.
- C'était pas si long que ça, ironisa-t-il.

A ce moment, son téléphone sonna. Il appuya sur son oreille, et commença à parler. Il me fallut quelques secondes pour réaliser qu'il avait un kit main libres.

- Ok, patron. J'arrive tout de suite. Désolé encore.

Il raccrocha, et fit une grimace.

- Désolé les gars, dit-il. Je dois m'arrêter au boulot, c'est juste à l'entrée de Tokyo. Je pourrais pas vous déposer à votre hôtel.
- C'est pas grave, lui répondis-je amicalement.

Il tourna à droite un peu après l'entrée dans Tokyo, et on se retrouva dans un grand parking, au pied d'un immense immeuble. Nous descendirent. Léo voyait que je fixais le bâtiment, et il se remit à rire doucement.

- Bienvenue chez Samsung, lança-t-il en souriant. Désolé encore de pas pouvoir vous amener à votre hôtel. Mais il est pas très loin. Bon, je me dépêche, je dois être au 14e étage avant 20h ... ce qui me laisse 7 minutes.

Je m'avançais vers lui pour le remercier, puis je réalisai ce qu'il venait de dire.

- Il est quelle heure ? dis-je en commençant à paniquer.
- 19h53, répondit-il nonchalamment.
- On doit être à l'hôtel avant 20h ! criais-je. C'est loin ?

Je partis en courant, plantant Léo et Mark sur le parking. Je quittai la rue sans faire attention à ce que je faisais. Une jeune fille était en train de monter sur son vélo non loin de là. Je me précipitai vers elle, et lui arrachai son vélo des mains.

- Désolé, j'en ai besoin !

Et je commencai à pédaler n'importe comment dans les rues. Derrière, j'entendais la petite fille qui criait, étrangement, en français.

- Je te le rendrais ! lançais-je en mentant.

Après quelques secondes, j'entendis Mark et Léo qui criaient. Je m'arrêtai, me rendant compte de la stupidité de mon action. Ils avaient coupé par une autre rue pour me rejoindre.

- Tu vas où comme ça ? me demanda Mark, qui semblait hésiter entre colère et amusement.
- A l'hôtel ! On a plus le temps ! lui répondis-je, essoufflé.
- Et l'hôtel, tu sais où il se trouve ? demanda Léo, qui riait.
- Euh ... non.

Je me rendis compte que je venais de passer pour un abruti. Je me mit à rougir. Léo riait, mais ne dit rien de plus. Il alla simplement nous chercher un taxi, auquel il parla en japonais pour que le chauffeur nous amène à notre hôtel.
Avant de partir, je lui serrai la main.

- Merci pour tout ! C'était vraiment sympa de te rencontrer, lui dis-je, tout à fait honnêtement.
- Pareil. J'espère qu'on se reverra avant que vous partiez, répondit-il. Sinon, je vous donne un conseil : si vous voulez visiter un peu, écartez vous de Tokyo, il y a rien à voir ici. Allez vers le nord et les montagnes, c'est magnifique par là-bas.
- Merci, lui glissa Mark. A la prochaine !

Léo ferma la porte du taxi, et celui-ci démarra. Nous arrivâmes à l'hôtel juste à temps.

Chapitre final : Life and Death (1)

Je ne savais plus quoi répondre. Le silence gagna le taxi. Celui ci me gênait, car je sentais qu'il avait "gagné" le débat. Je voulais me défendre, mais je ne savais pas quoi dire. Je me décidai à briser le silence, pour masquer mon embarras.

- Je vais passer quelques jours à Akayu. Vous connaissez ? lançai-je.
- De nom, oui, dit-il, désintéressé.
- Ça a l'air magnifique. Comme quoi, Dieu fait bien certaines choses, dis-je en riant.
- Ne parlez pas de Dieu, me coupa-t-il. Vous ne savez pas de quoi vous parler. Ça saute aux yeux.

Je ne répondis pas. Je ne pouvais pas répondre. Il venait de m'insulter, mais d'une manière tout à fait naturelle, comme s'il parlait de la pluie et du beau temps. Je sentais que j'avais en face de moi un beau parleur. Il semblait avoir un discours très précis, comme s'il le répétait à tous ses clients. Quelqu'un qui aime bien avoir raison. Mais, j'étais une de ses personnes. Je ne pouvais le laisser sur une impression de victoire. Désespéré, j'en vins à dire des choses un peu idiotes.

- Que pensez-vous de la mort ? dis-je sans savoir à quoi cela allait mener.
- Votre question est idiote, me dit-il. Que voulez-vous que je pense de la mort ?
- En avez-vous peur ?
- Dans l'immédiat, non. Je ne suis pas un paranoïaque, dit-il, surpris.
- Je veux dire, dans le futur. N'êtes vous pas effrayé par l'idée de ne plus vivre ? L'idée d'une éternité dans le noir, immobile, n'est-elle pas effrayante ?
- Vous avez déjà passé une éternité dans le noir, avant de vivre. Étiez-vous soulagé à votre naissance ? Non, tout cela ne veut rien dire.
- Vous n'avez donc pas peur de la mort ? relançai-je.
- La mort est ce qui rend la vie si particulière. Sans la mort, la vie serait banale, elle n'aurait pas d'intérêt, dit-il, mais il semblait peu convaincu.

Le taxi tourna à droite.

- Certes, mais actuellement, vous vivez. La jouissance de la vie vous oblige à être effrayé par la mort. Vous ne pouvez pas le nier. Si demain on vous propose de mourir, vous allez refuser, dis-je.
- Vouloir prolonger le plaisir n'est pas synonyme d'avoir peur de son arrêt, répondit-il, irrité. Pourquoi me parlez-vous de ça ?
- Je sais pas. Je me sens d'humeur à philosopher aujourd'hui, répondis-je.
- J'ai l'impression que vous brassez de l'air surtout. Quel est l'intérêt de parler de la mort ? Quand elle arrivera, on ne pourra pas l'éviter. Pourquoi parler des choses qui fâchent ? dit-il en perdant un peu de son sang-froid.
- Car c'est notre devoir, en tant qu'Hommes. La conscience de soi et la conscience du monde nous obligent à assumer nos actes, dis-je.
- La mort n'est pas un acte délibéré choisi par l'homme. Vous dites n'importe quoi.

Une larme coula sur sa joue. Sa voix commençait à trembler.

- Je suis désolé, dit-il. Arrêtons de parler de ça, svp.
- Un problème ? répondis-je un peu brusquement.

Nous nous arrêtâmes à un feu rouge. Après quelques secondes d'hésitation, il avoua enfin ce qui le tracassait.

- J'ai perdu ma fille il y a quelques jours, m’annonça-t-il tandis qu'il fondait en larmes.

Sa réponse me prit au dépourvu, mais semblait tellement logique au vu de notre conversation. Sous le choc, je ne su quoi répondre.

- J'suis désolé si je vous embête depuis tout à l'heure à parler de choses qui n'ont aucun sens. Je veux juste parler, parler de ma fille, mais je n'ai personne pour m'écouter, dit-il dans un flot ininterrompu de larmes.
- Vous pouvez me parler, murmurais-je doucement.
- C'était la prunelle de mes yeux, vous comprenez ! reprit-il directement en élevant un peu la voix. J'ai divorcé il y a des années, elle était tout ce qu'il me restait de mon ancienne vie ... je l'aimais vous savez, plus que tout au monde. Pourquoi Dieu me l'a t-il prise ? POURQUOI ?
- C'est pour ça que vous parliez de Dieu, vous vous sentez trahi ...
- Et comment ! me coupa-t-il. Ma fille, c'était un ange. Elle représentait la pureté, l'innocence, pourquoi a t-elle du partir ?

Il éclata en sanglots, et continua à murmurer des paroles, que je ne pouvais pas décrypter. Passé le choc de l'annonce, ma curiosité un peu mal placée prit le dessus. J’attendis qu'il se calme.

- Comment est-elle morte ? dis-je.

Cela semblait moins cruel dans ma tête que exprimé à l'oral.

- Désolé, si vous ne voulez pas répondre ... m'empressais-je de me rectifier.

Il hésita quelques secondes, puis sécha ses larmes.

- C'est bon, je vais vous le dire. Elle était devant chez nous. Elle avait rendez-vous chez une amie, pour faire ce que font les filles de 11 ans. Je n'avais pas le temps de l'amener chez son amie, donc je lui ai dis d'y aller avec son vélo. Au moment de partir, quelqu'un lui a prit son vélo et est partit avec. Cet enfoiré ... ma fille l'a coursé pour récupérer son vélo, et ... et ... une voiture arrivait ...

Il ne réussit pas à finir sa phrase. J'étais complètement abasourdi par ce que je venais d'entendre. Les larmes me montaient aux yeux. Le feu passa au vert, et le taxi reprit sa route.

- Désolé ... murmurais-je.
- Vous n'avez pas à l'être, dit-il en se reprenant un peu. Ce n'est pas de votre faute.
- Si, ça l'est.

Un gros coup de volant, et le taxi percuta un énorme poteau.