Lazaro / VDK, une colocation

La visite complète du centre s'était très bien passé. Les infrastructures étaient idéales pour passer une très bonne année, et les lieux de vie étaient aussi idéales pour bien se détendre. C'était tout en analysant mes coéquipiers que la visite prit fin. Je regardais un peu tout le monde, c'était le meilleur moyen pour me faire une idée sur leur comportement. Je voyais certains trembler : sans doute des stressés de la vie, certains avaient leur visage qui rayonnaient de plaisir, mais d'autres ne laissaient apercevoir aucun sentiment. C’était le cas de l’argentin Abraham qui m’avait parlé quelques minutes auparavant. D’ailleurs, ce mec était un peu spécial car je n’avais même pas compris ce qu’il avait essayé de me dire et il a pas osé se répeter. Ca pouvait bien être le petit timide du centre. Mais j’avais envie d’apprendre un peu plus à le connaître. Souvent, les personnes les plus réservés sont les plus intéressantes dans la vie, contrairement à ce que l’on pense.
De retour dans le hall d’accueil, les deux dirigeants du centre nous invitent alors à regarder le panneau d’affichage où la répartition des chambres sont notés.
Au premier étage se trouvait les plus jeunes de U17 et au second se trouvait mon équipe des U19. C’est donc le hasard qui fait bien les choses : je tombe avec Abraham Lazaro ! Je regarde la suite des répartitions pour me faire une petite idée des chambres voisines et j’attendais donc la remise des clés. Mais où était passé Abraham ? Il n’était plus là. Je le cherchais parmi tout le monde mais il n’était nulle part.
Je fais alors un petit détour aux toilettes pour me mettre un peu d’eau sur le visage, le voyage m’avait vraiment fatigué et ma tête commençait à faire ressortir les traits de la fatigue. A mon retour dans le hall d’accueil, tout le monde était déjà parti rejoindre leur chambre. C’est sans pression que je monte tranquillement les escaliers pendant que d’autres courraient et s’excitaient juste pour arriver le premier dans la chambre. Abraham était toujours introuvable, il était sans doute parti très vite dans la chambre pour s’installer avant moi. Enfin j’espérais que ça soit le cas car moi je n’avais aucune clé donc aucun moyen d’entrer dans ma chambre.
Notre chambre se trouvait en plein milieu d’un long couloir où se trouvait les douches communes tout au fond. Avant d’appuyer sur la poignée de la chambre, je frappe un petit coup sur la porte pour prévenir Abraham que je vais entrer au cas où. J’étais donc soulagé en ouvrant la porte et en voyant Abraham sur un lit, enfin : son lit ! Il avait fait exprès de se presser dans la chambre pour choisir le lit et s’installer sans problèmes. Mais ce n’était qu’un détail, je m’en foutais royalement et je commence à plaisanter avec mon nouveau colocataire :

« T’es stressé comme mec ou quoi ? (rires) J’espère que t’es aussi rapide sur le terrain que pour t’installer dans une chambre (rires) »

Je m’asseyais donc sur le deuxième lit de la chambre, celui qui sera le mien pendant une année. Et je défais donc ma valise. J’avais amené le strict minimum, quelques vêtements de soirées, quelques vêtements décontractés, des tenues de sport et des paires de chaussures qui se comptent sur les doigts d’une main. Je n’avais pas l’intention de ramener toute mon armoire. Et au moins ça laissait de la place pour les souvenirs lorsque je reviendrais chez moi.

En tout cas, j’avais réellement envie de montrer à Abraham d’où je venais et puis mes vêtements commençaient à sentir le fauve il fallait donc que je me change histoire de me décontracter un peu.

« Ça te dérange pas au moins si je me change ? »

Je n’avais pas envie de le choquer, si c’était bien le type réservé du centre ça pouvait le choquer de me voir déjà à moitié à poil dès le premier jour. Mais bon on est ici pour vivre en colocation pendant un an, faudra bien qu’il s’y fasse : je ferais comme chez moi ! Je me met donc directement en caleçon pour enfiler un jogging et un maillot du FC Twente floqué Vennegoor of Hesselink. Installé, et changé, je n’avais plus qu’à attendre que le temps passe. Abraham ne semblait pas vouloir faire la discussion maintenant. Je faisais comme lui, j’avais besoin de me reposer un peu donc je m’allonge sur le lit et commence à partir dans mes pensées. Va-t-il me parler ? Va-t-il se lâcher un peu ?

Les préjugés sont parfois trompeuses, je dirais même plus souvent trompeuses ! Alors que je prenais mon compagnon de chambres comme le plus timide de tout le centre, Abraham m’a surpris en expliquant le pourquoi il s’est pressé pour s’installer :

"Oh tu sais, j'aime bien m'installer au plus vite dans un endroit nouveau dans lequel je sais que je passerai plusieurs mois. C'est un moyen pour moi de me mettre le plus à l'aise possible et puis, une fois que ça s'est fait on peut s'occuper d'autres choses, j'sais pas si tu comprends mon point de vue ?"

Il est vrai que j’ai eu du mal à croire que c’était bien lui qui venait de parler, je le regarde en souriant, mes appréhensions s’étaient évaporés. Je commençais vraiment à croire que l’année allait très bien se passer. C’était bon signe pour nos performances sur le terrain. Surtout que je comprenais tout à fait son point de vue, il semblait porter beaucoup d’attention sur lui, et semblait être quelqu’un de droit, de posé. On pouvait faire la paire ! J’espèrais juste que mon odeur de transpiration n’était pas arrivé jusqu’à lui, c’est pourquoi j’ai voulu me changer très rapidement surtout que je déteste sentir mauvais et porter des vêtements sales. D’ailleurs, Abraham n’était pas du tout choqué, il m’a même fait rappeller que dans les vestiaires on sera bien obligé de se changer devant tout le monde. Mon esprit était vraiment ailleurs puisque je n’y avais même pas penser. J’ai donc rigolé après ses paroles, cela me fesait du bien et me mettait vraiment à l’aise de rigoler et de parler avec quelqu’un. C’est toujours bon pour le moral, surtout après une journée si épuisante que celle-ci.

Soudainement, Abraham s’est levé de son lit pour se changer lui aussi. De son casque, j’entendais un son lointain depuis mon entrée dans la chambre. En le retirant, le son devenait encore plus perceptible pour moi. C’était du Kid Cudi qui sortait de son casque, un chanteur que j’aimais beaucoup pour sa simplicité mais surtout pour ses musiques qui me font transporter ailleurs à chaque fois que je l’écoute. Surtout que ses paroles sont recherchés et me touchent au plus profond de moi-même.


"Ça te dérange si j'laisse le son comme ça ? J'aime bien vivre en musique"

J’espère qu’Abraham plaisantait là ?

« Attends tu plaisantes là Abraham ? Euh tu permets que je t’appelle comme ça ? Ça me dérange fortement que tu laisses le son comme ça ! Et tu sais pourquoi ? Parce que j’entends pas assez !!! (rires) Monte le son, j’adore Kid Cudi, et moi aussi j’aime beaucoup vivre en musique. Donc oui là ça me dérange que le son ne soit pas assez fort. »

J’avais envie de le mettre à l’aise et puis surtout j’avais envie de lui montrer qu’on pouvait avoir des points communs malgré nos différences d’origine. Abraham continuait à se changer tout en souriant. Il attendait sans doute d’avoir terminé de s’être changer pour augmenter le volume et me répondre.
En attendant, je commençais à monter sur mon lit pour accrocher le drapeau des Pays-Bas. Mais je ne pouvais pas le faire tout seul, tenir le drapeau tout en le gardant bien droit et l’accrocher avec des punaises en même temps n’était pas une chose aisée. J’essayais tant bien que mal de me débrouiller mais je n’y arrivais vraiment pas, je regardais Abraham en rigolant en espérant qu’il comprenne mon message que je voulais lui faire passer.

Debout sur mon lit en essayant tant bien que mal d’accrocher mon drapeau, Abraham lui continuait à se changer et à s’examiner. Il semblait faire très attention à lui, à son apparence. Au point même de ne rien remarquer et de faire comme si je n’avais pas besoin d’aide.

"Hey Lauren, j'voudrais aller faire un tour en bas histoire de voir un peu mieux le truc, ça te tente de venir avec moi ? On pourra surement croiser les autres et ça nous permettra de faire un peu plus connaissances tous ensemble. T'en dis quoi ?"

Si j’avais été quelqu’un qui s’énervait vite je lui aurai déjà fait la remarque mais je préférais en rigoler. J’allais pas m’énerver sur ça surtout qu’on a tous nos petites manies, si Abraham a un caractère soigné, je ferais tout pour vivre sans soucis avec lui. Et puis, comme souvent, mon compatriote a le don pour ne pas me faire inquiéter très longtemps. Alors qu’il avait finit de me demander de sortir de la chambre, il s’est tout de suite rendu compte que j’avais besoin d’aide et en rigolant il s’est rapproché de moi pour accrocher le drapeau.
La première journée se déroulait vraiment bien, et à peine le drapeau accroché, Abraham se rapprochait de la porte pour aller voir tout le monde, ceux qui allaient être nos coéquipiers pendant une saison. Sa proposition de l’accompagner me tentait, et puis pourquoi allais-je refuser ? Je n’allais pas rester tout seul, et puis je suis quelqu’un qui aime bouger, qui aime rencontrer de nouvelles personnes.

« Ouai j’arrive, tu pars devant et je te rejoins ? Je vais mettre des pompes. »

Je n’allais pas sortir de la chambre pieds nus, il fallait donc que je trouve des chaussures de rechange dans ma valise. J’avais ramené 2 paires de chaussures de villes, une assez classe que j’avais à l’arrivée au centre et une autre plus décontractée, qui allait me servir un peu comme des chaussons. Le temps de les enfiler et de nouer mes lacets, Abraham était déjà parti explorer les alentours de la chambre. J’en profitais donc pour ouvrir la fenêtre de la chambre, on avait un beau soleil ce jour là et je trouvais ça dommage de l’enfermer.
En même temps j’en profitais pour regarder un peu dehors, et plus particulièrement l’horizon. J’étais parti même pas depuis 24h que déjà mes parents me manquaient.

Bon allez, finis la nostalgie, je m’apprêtais à rejoindre Abraham quand il m’est venu à l’esprit que la musique d’Abraham marchait toujours. Omnubilé par le fait de sortir de la chambre, ce dernier avait sans doute oublié d’éteindre son Ipod. Je le prend donc dans mes mains pour le lui ramener, tout en faisant attention de bien l’éteindre pour pas utiliser de la batterie pour rien. C’est bon, j’étais enfin prêt pour rejoindre Abraham. Il devait déjà être loin tellement j’ai été long à sortir de la chambre mais je ne m’inquiètais pas pour lui, ça avait l’air d’être quelqu’un de débrouillard qui allait bien pouvoir s’occuper tout seul.
Je me suis pressé tout de même à sortir de la chambre, je pris aussi soin de fermer à clé la porte. Il ne me restait plus qu’à chercher Abraham, un petit détour vers la gauche, j’avance... Une chose bien solide, comme un mur, me rentre alors dans la tête. J’étais complètement assomé et je dégringole sur le sol du couloir sans vraiment savoir ce qu’il s’était passé. Mon seul souvenir a été les mots d’un africain visiblement, d’après son accent.

« Oh ça va mec ? Faut regarder devant toi quand tu marches ! C’est malin ça ! »