[Roberto Junior] La routine ? Pas si sûr..

« Cela faisait bientôt un an que je m’étais éloigné de la France, que je m’étais coupé du reste du monde, je ne voulais plus avoir aucun contact avec la France, absolument plus rien ne pouvait me raccrocher à ce pays, le crime qui a changé ma vie, qui a tout éclairci, avait eu lieu sur ses terres, comment pouvais-je y vivre ne serait qu’une seconde de plus en connaissance de cause ?
J’étais désormais loin de toute pression médiatique, la Suisse est un pays plutôt calme, et même en période de mauvais résultats, aucune véritable pression ne s’abat sur l’équipe, c’était tout bénéfique pour moi de pouvoir m’expatrier durant une certaine période pour faire le point sur ma vie, et pouvoir me concentrer sur mon football. Tout s’était enchainé si rapidement : mon admission au centre de formation, une année où tout ce que je touchais se transformait en or, et mon premier contrat pro en passant par la révélation de meurtre de ma mère…Je ne suis encore qu’un adolescent, et pourtant je suis seul, bordel, je devrais faire la fête, boire des coups, danser, draguer, faire des choses comme tous les gamins de mon âge…et pourtant non, chaque soir, j’étais seul, dans mon appartement, et peu à peu, la routine prit le dessus sur mon envie de changement… Sur le plan footballistique, l’année avait été difficile et le club avait lutté la plupart du temps pour ne pas descendre , ce fut épuisant sur le plan physique et psychologique, comme cette guerre puéril que m’avait imposé Murena en alertant les dirigeants et en me traitant d’homophobe, fort heureusement, grâce à mon talent d’orateur, j’avais pu m’en sortir assez facilement et Murena avait été sanctionné..

Il était tard, pas loin de minuit si mes souvenirs sont bons, je me retrouvais une nouvelle fois de plus seul, sans soutien, je décidai alors de descendre dans les rues de Neuchâtel et d’entrer dans le premier bar. Il n’y avait pratiquement pas de monde hormis deux jeunes adultes qui buvaient plus des bières et qui avaient l’air d’être pas bien frais. Je m’assis au comptoir, et pris une bière pour commencer, puis une autre, puis une autre, et je finissais la soirée avec une bonne bouteille de vodka. Les deux jeunes derrières m’avaient reconnus et scandaient mon nom tout en m’insultant et en me traitant d’ivrogne… Je n’avais plus les idées bien claires, et après je ne me rappelle plus de rien, c’est pour cela que je suis devant vous, dans cette salle d’interrogatoire, les mains ensanglantés , monsieur le commissaire … »

« Vous ne vous rappelez de rien ? »

« Rien du tout. Je ne sais même pas comment je suis arrivé ici. »

« Je vais vous le dire, il était tard dans la nuit, quand vous avez débarqué dans le commissariat les mains en sang, en demandant de l’aide pour une jeune femme qui s’est faîte violé. »

« Alors pourquoi je suis ici si j’ai dénoncé un crime, cherchez les vrais coupables au lieu de me faire perdre mon temps. »

« Parce que la jeune fille est actuellement dans le coma et que vous avez son sang sur vos mains. »

« C’est juste impossible, arrêtez vos conneries, je dois aller m’entraîner. »

« Vous n’irez nulle part pour le moment. »

Comment tout cela était-ce possible ? Etais-je un meurtrier ? Je ne savais plus rien, j’étais en état de choc. Le commissaire referma la porte de la salle d’interrogatoire et me laissa seul dans cette pièce. C’était une toute petite pièce, à peine de quoi mettre une table et deux chaises. Je ne savais plus rien, et j’essayais de reconstruire le fil de ma soirée mais tout ceci était flou. Je sais que j’avais souvent, pour ne pas dire tout le temps, cet air arrogant, cet air si dérangeant qui agace les gens, mais j’ai été bien élevé avec des valeurs et je sais que je ne suis pas un meurtrier, reste tout de même à le démontrer…

(Flash-back)

« Bon il se fait tard, donne-moi l’addition et je m’en vais, demain j’ai entraînement (sourire) »

Je réglais l’addition et commençait à sortir du bar quand derrière moi quelqu’un me touchait l’épaule, je me retournais calmement et je vis un jeune complètement saoul qui me disait :

« T’es qu’un putain d’ivrogne Roberto, pas étonnant que tu sois une merde. »

« La merde, elle gagne en un mois ce que tu gagneras jamais dans ta vie et à 17 ans, elle joue en professionnel alors que tu dois allez, en avoir 20, et t’es même pas foutu de faire quelque chose de ta vie, donc arrête vite de me toucher sinon ça va mal finir compris ? »

Mon interlocuteur semblait à la fois surpris et à la fois vexé de mon intervention et marmonna quelques paroles que je ne pris pas la peine d’écouter. Je pris le trajet le plus direct pour rentrer dans mon petit appartement, j’entendis les jeunes derrière moi sortir du bar et suivre une jeune femme assez charmante.
Je pris la peine d’attendre pour voir si tout se passait bien quand tout à coup j’entendis un cri de femme dans une petite ruelle assez sombre, je me précipita vers celle-ci et je vis….

(Retour au présent)

« Pourquoi tout est si flou bordel… »

Cela faisait à présent deux heures que j’étais enfermé dans cette petite salle, seul…je restais cependant calme. M’énerver ne me servirait à rien du tout hormis de dépenser de l’énergie inutilement et cela pourrait laisser pensé que je suis le véritable suspect, ce qui n’est pas le cas…

Assis sur ma misérable chaise, je fermais les yeux paisiblement et tenter de me remémorer, de restructurer ma dernière soirée avant de me souvenir d’éléments ne m’incriminant pas…
Je parvenais désormais à me souvenir parfaitement du visage de la jeune fille..

(Flash-back)

La ruelle était étroite, sombre et amenait directement à un cul de sac. Elle était longue et je n’en voyais pas la fin, j’entendais seulement de petits cris étouffé de femme comme si on lui avait mis la main sur la bouche afin que celle-ci ne puisse pas crier…
J’avançais vers la jeune femme d’un pas décidé, et je la vis tenu par les trois jeunes du bar qui tentait de la violer, mon arrivée les avaient surpris.

« Je vais te le dire une fois calmement, lâche là et je te laisse sans égratignure. »

Un des trois lascars s’avança et mis un grand coup de poing dans le visage de la jeune femme qui était à présent ensanglanté, je m’avançais vers celui-ci et lui et lui mit un grand coup de pied dans le visage qui le fit tomber à terre, je m’approchai alors de la jeune femme pour voir son état et mis ma main sur son visage pour stopper le sang, quand je pris un énorme coup sur la tête…

(Retour à la réalité)

Le commissaire était entré en claquant la porte ce qui avait eu pour effet de me sortir de ma vision. Il avait un petit sourire en coin, je le regardais très calmement, épiant ses moindres fait et gestes. Je touchais à présent le sommet de ma tête pour y détester un hématome et en effet, j’avais une belle bosse…

« Commissaire, ma mémoire revient peu à peu, j’ai tenté de sauver cette fille d’une agression de trois jeunes qui étaient complètement ivre, je ne me souviens de rien car j’ai pris un énorme coup sur la tête, comme vous pouvez le constater avec cette bosse. »

« Oui, bien sûr, toi tu es le gentil dans l’affaire. »

« Oui, bien sûr, je suis le coupable idéal. Je sais que c’est dur pour un policier de le faire mais mettez vos deux neurones restant en connexion et réfléchissez comme un grand détective le ferait, reconstruisez la chronologie de la soirée et vous verrez… »

« Pourquoi faire tout cela puisque vous êtes les coupable ? »

« Tout ce que je peux vous dire, c’est que d’une, si vous aviez des preuves de ma culpabilité, je serais en cellule, de deux vos techniques d’interrogatoire sont dépassés (sourire narquois). »

Le commissaire sorti de la pièce en colère, en claquant une nouvelle fois la porte ce qui avait réveillé un énorme mal de crâne que j’essayais tant bien que mal de dissimuler.

La police suisse était persuadé de ma culpabilité dans cette affaire, et j’étais pour eux le coupable idéal : un jeune footballeur en devenir se fait arrêter . La pub aurait été énorme pour ce commissariat et les policiers chargés de l’enquête auraient étés la fierté du pays. Je devais donc me sortir seul de cette impasse, et je ne savais même pas pourquoi j’étais dans cette petite pièce, seul. Je ne me souvenais de pas grand-chose, et j’avais affreusement mal derrière la tête, le coup que j’avais reçu m’avait tout simplement sonné. Pourtant, je n’arrêtai pas de me jouer le film de cette soirée dans ma tête, tout cela devait avoir forcément une explication, tout cela devait avoir un sens, il devait y avoir un lien…

(flash-back)

Je me levais tant bien que mal après l’énorme coup reçu derrière la tête, et je regardais autour de moi. La jeune femme était toujours allongée par terre, le visage ensanglanté et marqué par les coups qui lui avaient été portés auparavant.

Les trois lascars avaient disparu, et il ne restait que quelques gouttes de sang s’étalant sur le sol pour m’indiquer qu’ils avaient fuient. Je m’approchais de la blessée pour voir son état. Elle était extrêment faible, elle avait été également frappés à plusieurs reprises partout au vu des bleus qu’elle avait sur les jambes, les bras, le visage….il fallait absolument faire quelque chose. Je l’amena à l’hôpital le plus proche pour qu’elle se faire soigner le plus rapidement possible puis me rendit au commissariat pour dénoncer l’agression…

Les policiers ayant vu mes mains ensanglantées m’avaient mis sans me poser la moindre question dans cette petite salle d’interrogatoire.

(retour à la réalité)

Le policier fit une nouvelle fois son entrée dans la salle, il paraissait contrarié et gêné par la nouvelle qu’il venait d’apprendre. Il s’assit sur la chaise en face de moi et me dit.

« Vous êtes libres »

« Je n’ai pas entendu, vous pourriez le répétez plus fort ? »

« Vous êtes libres, et nous vous présentons toutes nos excuses… »

« J’en attendais plus mais je m’en contenterais. »

Je pris soin de fixer longuement le commissaire en face de moi afin qu’il se sente le plus mal à l’aise possible, et je partis. Je pris la peine de me laver les mains afin de nettoyer tout le sang qu’il y avait sur mes mains.

Après être repassé par la ruelle où l’agression avait eu lieu, comme un enquêteur qui viens chercher de nouvelles preuves, je passa faire un tour à l’hôpital pour voir l’état de la jeune femme qui devait être probablement marquée physiquement et psychologiquement par cette agression.

Au fond, je ne sais même pas si elle se souvenait de moi, mais cette rencontre me tenait à cœur….