Around a beer • ROMEO&ROBERTO

Vivre avec un poids sur la conscience, c'est la chose la plus difficile que l'on puisse subir. Quand j'ai perdu mon père, je ne me rendais pas très bien compte. Je n'avais alors que cinq ou six ans. Je ne me rendais pas compte qu'il ne serait pas là pour mon entrée au collège, au lycée. Qu'il ne serait pas là pour ma remise de diplôme, ni pour mon premier appartement. Qu'il ne serait pas en costume à mon mariage et que je n'aurais jamais de photos avec mes enfants et leur grand père. Mais maintenant, à vingt ans, je me rends compte que la mort c'est passer de l'autre côté. Laisser tout ce qu'on a, maisons, famille, argent; derrière soi sans pouvoir dire au revoir. Ca me pesait sur le coeur, et c'est autour d'une bonne bière, dans un bar que je potassais cela. J'étais seul, au bar d'un espèce de vieux café non loin de la petite maison qu'on avait en location. Oui, on, car des anciens de l'INF, au nombre de trois vivaient avec moi ainsi que la petite amie d'un de cela. Il y avait mon compatriote Derron, il venait pas du même milieu que moi mais était un bon gars au fond. Il y avait Elias et sa petite amie Rowan ou Roxanne j'étais pas très bon pour les prénoms. Eux étaient aux Red Bulls. Et mon coéquipier, pour équilibrer les forces, du Cosmos, Roberto Junior. D'ailleurs, les forces étaient pas vraiment égale vu que ce week end on avait remporté haut la main le derby de NY, malgré un début de saison naze. D'ailleurs, ce même Roberto venait de rentrer dans le bar et s'était assis à côté de moi. On était pas vraiment potes, mais c'était pêut être le seul bar aux alentours...

Un début de saison pourri quand tu joues à Nîmes, ca peut passer, c'est pas la meilleure équipe de National et encore moins de France. Mais quand tu joues au grand New York Cosmos, un club mythique de soccer, qui est plus connu que n'importe quel autre club aux Etats-Unis, t'as pas vraiment le droit à l'erreur. Pour un américain comme moi, revenir jouer dans le club le plus populaire de mon pays, qui plus est de ma ville natale, c'est plus de pression que lorsqu'un marseillais va jouer à l'OM par exemple. Porter cette mythique tunique blanche et verte cosmos, c'est un poids sur les épaules mais surtout un honneur.

Je connaissais cette ville comme ma poche, pour y avoir longtemps vécu et y être retourné quasiment chaque été depuis que je vivais en France, et je pensais donc que ce bar pas très connu me permettrait de rester tranquille et de pas me retrouver avec quelqu'un que je connais. Et bien, c'est raté apparemment, parce que voila Roberto qui rentre dedans. Mon coéquipier, légèrement plus jeune que moi mais le pauvre gars faisait quasiment trente ans alors qu'il n'arrivait même pas aux vingt. Il s'assit à côté de moi et commanda une bière pour lui et une pour moi.

Merci.

A vrai dire, si j'avais accepté de vivre avec Elias, Derron et Roberto, c'était juste parce qu'ils étaient des anciens de Clairefontaine comme moi, je ne les connaissais pas plus que cela et on était pas vraiment amis à vrai dire. Je jouais depuis quelques temps avec Roberto; qui bizarrement avait mieux commencé la saison que moi; mais je ne le connaissais pas vraiment très bien.

Ca va mec ? What's up ?